Il vient de GAP… avec l’accent du sud bien sûr !!

Retour sur l’interview de Victor Daviet paru dans le numéro 33 de Act Snowboarding.

Interview Victor Daviet 2022

Texte et interview par Gaby Bessy.

Victor Daviet est l’homme le plus rapide du Pakistan et ce, sans le soutien financier d’une marque de boisson énergisante. Capable aussi de renoncer à prendre l’hélicoptère par conviction, c’est un homme engagé qui a la tête sur les épaules. Il est du genre à ne pas tenir en place et enchaîne passionnément les projets non-stop ce qui l’a souvent mis à la limite de l’implosion entre les études, la rénovation d’appart, le ride, les évents, sa marque PAG, le parapente, le surf…
Bref, ce n’est pas lui qui vous spoilera vos séries préférées, ou qui vous donnera le titre du bouquin du moment, il est dans l’action. Par contre, il a déjà tellement a raconté du haut de ses 32 ans qu’on s’est dit que ce serait intéressant de revenir sur son parcours après 10 de professionnalisme snowboardistique. 

Plus d’infos sur ce projet dans notre dernier article DVDVIDEO VOL7_DROP

Photo @davidtchag

ORIGINES

Tu viens des Hautes Alpes, Gap, en quoi ce terroir a fait de toi le rider que tu es devenu ?

La vibe de Gap a toujours été un peu décalé par rapport à la Savoie, la Haute-Savoie qui polarisaient l’attention. On nous transmettait simplement l’esprit du snowboard à la cool dans notre coin et chacun progressait à son niveau loin des compétitions.  Cela a sans doute contribué à garder ma passion intacte, c’était une ambiance familiale saine et c’était parfait.

Comment s’est fait ton apprentissage ?

Je me rappelle de mes toutes premières sessions en chaussures de ski à Réallon, c’est ma marraine Nora qui a influencé ma mère à faire du snowboard. Après naturellement j’ai demandé à y aller de plus en plus. En CM2, on me raconte souvent que je cassais les couilles au prof pour pouvoir faire la semaine officielle de neige en snowboard et pas en ski. Ça ne faisait même pas un an que j’en faisais mais il n’y avait pas moyen que je fasse du ski. Après, ma mère m’a inscrit à l’ASSNOW Gap, le club du shop Atmosphère, où j’ai rencontré tous mes potes.

Quelles ont été tes premières influences ?

À part ma mère je n’avais pas vraiment d’autres influences. Mais une fois entré au club, c’était les riders du Atmo Crew, (Bruno Rivoire, Brynild Vulin, Séverin Halbout, Jean Jacques Roux et Bibi), pour nous c’était les héros, nos modèles que ce soit en skate ou en snow. Vous ridiez fort, vous aviez des sponsors, on voyait vos posters au shop et chaque fois que vous veniez avec le club, nous on étaient comme des oufs. Puis il y avait aussi Guillaume Chastagnol que j’avais vu rider dans ma première vidéo de snow que ma mère nous avait acheté TB7. Nous avions réussi à avoir un poster signé qui trônait sur la cheminée de notre salon. 

Le shop Atmosphère a vraiment joué un grand rôle pour toi ?

Avec le boss Laurent Jaubert, c’est la clé de voûte qui a créé ce vivier de riders dans les Hautes-alpes en rassemblant des coachs, des pratiquants et aider les riders. Le shop organisait les contests, c’était le point de rassemblement pour voir les vidéos, chopper le matos. J’y ai passé cinq ans pendant lesquels on a apprît sainement entre potes à délirer avec nos boards. C’était ambiance à la cool.

À quel moment as-tu commencé à connecter avec des riders d’ailleurs, tes premières fois hors des Hautes-Alpes ?

Les premières années, on est resté à Orcières Merlette. Sous la houlettes de Gaétan Demard (et Seb Bellue) qui nous coachaient l’hiver au club. Et puis j’ai commencé à aller aux Deux Alpes, j’étais trop petit pour participer vraiment au Summer Camp mais je pouvais aller caler quelques sessions avec lui. Les deux Alpes l’été, c’était le meeting du snowboard français, européen. C’est là qu’on a commencé à voir d’autres riders du même âge mais déjà avec plus de niveau, qui ridaient depuis plus longtemps que nous. Petit à petit, on a commencé à bouger sur d’autres évents, d’abord à Villard de Lans pour une Kids Snow puis sur une régional de Half Pipe à Risoul à 14 ans.

Quel a été le premier gros changement dans ta vision du snowboard ?

Avec mon pote Ben (Benoît Thomas Javid), on s’est qualifié pour les championnats de France à Isola. C’est ma mère qui nous a amené, c’est notre première mission, on était les vrais touristes. On s’est pointé le matin pour récupérer nos dossards et on nous parlait de Riders meeting, on n’avait jamais entendu parler de ça nous. Et la compét avait été avancée de deux heures et on nous dit : « bougez-vous, ça va commencer ! » Trop chaud, avec Ben on arrive en haut du pipe et là on l’appelle pour son première run ! Pas d’échauffement, pas de run d’entraînement, direct dans le bouillon ! Je me rappelle qu’il prend la moitié du pipe d’élan et se met un méchant air et s’écrase à plat dos sur la plateforme. Au final, on s’en sort correctement, on n’a pas fait de podium mais on a fait nos premières connexions en rencontrant VDLR, Thomas Delfino qui étaient déjà sur le circuit depuis pas mal de temps.

Comment es-tu rentré dans le game ?

L’année d’après, on s’est mis un peu plus sérieusement à la compét avec le club. On est allé au championnat de France à Valloire et j’ai gagné le Half Pipe chez les minimes ! Là, des portes se sont ouvertes, j’ai pu intégrer le lycée sport étude à Villard de Lans et choper mes premiers sponsors. Je suis rentré chez Salomon (chez qui je suis toujours), Arnette et Bruno Rivoire m’a filé des fringues Pacific Motion. Cela m’a permis de rencontrer encore plus de riders avec plus de niveau ce qui m’a bien fait progresser. Et puis, je me suis fait des super bons potes de ride mais aussi de vrais amis (Valerian Ducourtil, Arthur Longo, Victor Delerue, Johan Baisamy.. ). J’ai commencé à rider beaucoup plus, plus seulement les week-end et les vacances, mais au taquet tout l’hiver, c’était la folie !

Quel genre de rider étais-tu?

On était des park riders à fond, on faisait des trips de park en France. À 16 et 17 ans on a fait nos premiers trips au US à Mammoth et Breckenridge avec l’aide des premiers sponsors. C’était vraiment le rêve d’aller rider ces parks américains qu’on voyait dans les vidéos. Pour la petite histoire, le premier trip au US, je suis parti avec Jean-Jacques Roux et Benoît Thomas-Javid, Golden et tout une troupe . Je ne sais pas comment mes parents m’ont laissé partir mais en tout cas, on a pris de watts ! De petits anges qui volaient dans les magasins, fréquentaient les Strip Clubs et dormaient dans les hôtels de pass pas cher. Une bonne expérience de vie, j’ai gagné de points en anglais et en autonomie ! À Gap, on faisait souvent de la poudreuse mais plus par manque de park, on partait faire des conneries avec nos pelles avalanches dans le BC tous les dimanches. On se construisait des kickers pour s’envoyer en l’air et on se filmait un peu avec les potes du  team Blaireaux et du Makasutra crew.

Comment situerais-tu ton niveau à ce moment-là ?

J’avais un niveau national, début européen . On a commencé les coupes d’Europe avec la fédé. À 18 ans je suis devenu Champion de France de Slope Style, ça m’a encore ouvert pas mal de portes, notamment pour entrer au Sport-Étude à Annecy et même 5, 6 ans après pour intégrer une école de commerce a Grenoble (GEM). Je n’ai pas non plus eu beaucoup de titres mais j’ai fait quelques slopes style sur le TTR, quelques place sur les coupes d’Europe, des coupes du monde, j’ai participé aux X Games Europe. J’ai toujours eu une approche un peu décalé, même la compét c’était pour le fun.

Du coup, pas très motivé par les contests ?

Ce n’est pas ça qui me motivait. J’ai jamais eu vraiment cette niaque de réussite, mais j’avais la niaque de plaisir, de passion pour apprendre des tricks, faire des trips et bouffer de la poudreuse. Être avec les potes, pouvoir rider tout l’hiver, ça, ça me motivait. J’ai toujours été très fan de vidéo et je pense que ça a été vraiment un moteur pour moi. La première que j’ai vu c’était TB7 et une 411 avec Bab’s. Puis les vidéos Absinthe avec Vivid, POP… Cela m’a beaucoup inspiré et motivé.

Photo @davidtchag

VERS LA PRODUCTION D’IMAGES

Comment as-tu mis les pieds de le filming ? 

Vers 2009, Rip Curl nous ont dit à VDLR et moi : « On vous envoie filmer du Backcountry pour nos vidéos promotionnelles ! » C’était les vidéos «  Welcome Home » et en parallèle, nos potes JJ Roux, Bruno Rivoire et Manu Vivion, nous ont proposé d’intégrer le crew Harakiri. On était trop chaud. 

Comment as-tu appréhendé ces opportunités ?

De manière assez insouciante. En venant de Gap, chaque fois qu’une nouvelle opportunité se présentait, je me disais : » Waouh mais c’est chamné, je ne pensais pas que j’en arriverai là » et finalement, ça a continué, étape par étape, de mieux en mieux. Je ne me suis jamais dis: « Tu vas shooter avec Absinthe, les Pirates et compagnie. » Pour moi c’était inatteignable.

Racontes nous les débuts de cette aventure !

Je faisais encore quelques compéts à cette époque mais à partir de là, on a commencé à bouffer beaucoup de BC. On était tout le temps ensemble avec Victor De Le Rue et on s’est retrouvé avec le filmeur Julien Matta. C’était un hiver de dingue avec un enneigement record dans le Queyras. On s’est mis a shaper notre premier gros spot avec peu d’expérience ! Deux jours de construction, c’était énorme, on avait peut-être surestimer notre niveau ! Je dois faire le crash test et je cale un F3 Indy Nose Bone sur l’énorme jump, filmé par la caméra pro de Julien Mata, photographié par Remi Petit et là c’est l’euphorie ! Mon premier gros first try et first track ! Une sensation énorme que je n’avais pas ressentie avant cela sur un snowboard ! 

Excellent ! Là tu disposes désormais des outils pour te lancer dans la voie de l’image à fond !

Oui, Rip Curl nous met le pied à l’étrier avec leur team vidéo, en plus un des meilleurs cameraman français de l’époque pour nous shooter. On a leprojet vidéo d’Harakiri avec les potes en plus ! Et Via JJ Roux, on avait déjà shooté un peu avec le photographe Remi Petit avec qui on s’entendait bien. Il était encore au début de sa carrière mais déjà avec un bel œil. Il a commencé à se macquer aussi avec Rip Curl et pouvaient nous suivre sur les deux projets. Nous ,on avait juste à s’envoyer.

Là, tu lâches les contests pour de bon ?

C’est la transition. J’ai fait encore quelques TTR et des Coupes du monde mais le niveau et l’ambiance ne me convenaient plus, ce n’était pas aussi cool que dans le filming. On s’était retrouvé à rider sur de la glace, je ne prenais plus de plaisir. J’ai tout naturellement basculé. Et puis pour chaque vidéo promo, Rip Curl organisait une tournée de dingue, on peut dire qu’ils ont fait notre éducation festive et sexuelle. Les team managers nous trimballaient à travers l’Europe comme si on était les rock stars. Ça nous paraissait un peu irréel mais eux y croyaient et au final ils ont plutôt visé juste si tu regardes les riders qu’ils avaient pris tout jeune (merci éternel à Damien et Tonton Raph!)

Tu entames ta carrière de pro rider, tu réalisais cela ?

J’ai commencé à avoir un peu de budget avec Rip Curl vers 18 ans j’ai commencé à vivre de ma passion. Je ne pense pas en avoir été à un moment conscient et même encore maintenant, je me dis, je filme avec les Pirates, avec des mecs que j’admirais ado comme Gigi Ruf, John Jackson qui sont devenus des potes. Au final, tout s’est fait de façon super naturelle et je pense que c’est ça qui a fait que ça à marché. Je n’ai rien planifié.

Racontes-nous votre rencontre avec Jérôme Tanon ?

On s’est rencontré aux Deux Alpes en shapant un kicker sur le park pour avoir le forfait gratuit le lendemain. Ça a été un moment important car c’est devenu un super pote. À l’époque, nous on était des snowboardeurs pétés, lui c’était un photographe pété qui faisait des auto shots. Quand je vois ses photos numériques de l’époque sur-flashées, tu ne dis pas qu’il était en passe de devenir un des meilleurs photographes de snowboard du monde.

Qui a fait la carrière de qui ?

Ça a été une collaboration amicale par la connerie. Il était doué niveau business et en bon photographe troubadour, il s’est retrouvé à shooter avec les grosses boîtes de l’époque et s’est vite macqué avec Rip Curl, Absinthe, les Pirates. Il a pu voir comment ça se passait à niveau haut de dessus, comment ça ridait et ce qu’il fallait faire pour que ça marche. Quand il revenait, il nous passait taquet de conseils. Ils nous a montré la voie, sur chaque spot, il nous disait : « Plus de pop les gars », alors que les spots étaient déjà ultra raides !

UNE CARRIÈRE INTERNATIONALE

On t’a vu muter à un moment, explique nous comment tu es passé au niveau international ? 

En 2012, c’est le début de l’époque d’Arèches (Beaufort), avec les potes de HaraKiri, JJ Roux, Enzo Nilo, Thomas Delfino, on faisait déjà des spots vraiment engagés et on commençait à être vraiment chauds. J’avais eu une très bonne saison avec une part dans Mille Bornes la première vidéo d’Almo film et dans la Tournée du Patron, la dernière vidéo d’HK. La saison suivante, je filmais avec Almo film, Victor De Le Rue lui shootait pour Absinthe mais de son coté du coup, on s’est retrouvé avec lui et Delfino, à Arèches pendant un gros mois et demi. On avait notre zone. Tous les jours on rentrait au parking avec des sourires de oufs car on plaquait de tricks qu’on avait même pas imaginer rentrer un jour ! Triple Back, Cab 10, Fs 10 first try, Bs Double Cork 10 j’étais bien chaud ! Victor m’a macqué avec Absinthe l’année d’après. Je me suis retrouvé à filmer avec mes potes Mathieu Crépel, Sylvain Bourbousson et VDLR, c’est le début de ma carrière internationale.

Avec Absinthe, tu as l’opportunité de réaliser un rêve de gamin, direction l’Alaska !

Depuis mes premières années de snowboard, je voyais des photos d’Alaska dans les mags, c’était clairement l’un de mes objectifs de vie  ! Le freeride était une dimension assez loin de nous, nous, on était freestyle. Je m’étais toujours dit : « si un jour j’y vais, je prends deux mois de ma vie, je m’entraîne, je fais de lignes tranquilles pour arriver bien préparé. » Mais un jour, on s’est retrouvé à Whislter avec des conditions pourries, il pleuvait, on squattait les chambres quand David Vladika, le filmeur d’Absinthe a débarqué et nous a dit : « Hey les gars, on part en Alaska, les conditions sont nickels là-bas, il faut qu’on bouge ! ». À côté de moi, VDLR, Mathieu Crépel disent : « Banco, on y va ! Tu fais quoi, tu restes sous le pluie à Whislter ou tu viens ? Et voilà, c’est parti pour l’Alaska. Pour mon rêve j’étais prêt à tout, il n’a pas fallu pousser beaucoup pour que j’y aille ! 

Du coup, ton plan initial pour cette aventure change radicalement?

On est loin de ce que j’avais imaginé ! Direct dans le bain, pour ma première ligne, je choisi quand même un truc pas trop vénère. J’avais trop envie d’y aller mais la radio ne marchait plus et au-dessus de moi, il y avait l’hélico avec Justin Hostinek, le boss mythique d’Absinthe à la caméra. Il me fait un geste du pied que j’interprète comme un « Vas y, c’est bon ! » En fait, il essayait de me dire de ne pas y aller car ça craignait. Ça ne loupe pas, je pars et je déclenche une énorme avalanche. Je me mets un énorme ligne droite, j’arrive à m’en sortir en la dépassant mais je me fais avoir en bas de la ligne avec trop de speed. J’implose dans une gueule de baleine et l’avalanche me rattrape. J’avais tiré l’Air Bag et heureusement, ma tête est restée en surface. 

Ça reste quand même une bonne expérience ?

Ma première ligne et cette expérience ont définit la manière que j’ai eu de rider l’Alaska après. À partir de là, je fais toutes mes lignes à fond la caisse. Ça a été un moment de fou, je ne réalisais pas trop, pas autant que les autres ! Au final, ça ne s’est pas assez mal passé pour qu’on rentre à la maison, VDLR et Mathieu m’ont remis direct dans l’hélico pour caler quelques runs à la cool histoire de remonter sur le cheval. 

Les anciens t’avaient quand même fait profiter de leur expérience ?

Oui, j’ai reçu des conseils d’un peu tout le monde mais c’est quand même VDLR et Mathieu qui m’ont briefé le plus. Je partais sans attente sur le trip, je n’y allais pas pour prendre la ligne la plus difficile, je voulais suivre mon rythme, pas celui des autres. Il y a moyen de vite de se mettre dans la merde là-bas. C’était vraiment une expérience de dingue. 

Est-ce que tu as ressenti une pression supplémentaire à filmer avec cette boite légendaire ? 

J’ai toujours pris le snowboard comme un jeu ce qui me permet de me détacher de la pression. Je suis sérieux, c’est mon taf, mais je ne mets pas de pression à cause de mes sponsors ou des médias. Je veux donner le meilleur de moi-même, avoir des images chanmées mais c’est moi qui me met la press pas les autres. Du moment où je suis devenu pro, j’avais déjà dépasser mes espérances, si ça s’arrête demain, j’ai vécu et voyagé de ma passion et j’ai déjà tout gagné ! 

Est-ce que tu t’es parfois senti obligé de rider? C’est facile de dire non  ?

Je trouve que j’ai toujours réussi à prendre du recul. Si je trouve que les conditions ne sont pas réunies, ça ne fait plus rire, je ne le fais pas. J’arrive à faire entendre mon point de vue. Même si aujourd’hui il y a des enjeux professionnels important, j’arrive toujours à garder cette vision. Ce n’est pas parce que des marques te donnent des sommes conséquentes que tu dois te balarguer n’importe comment et risquer ta vie. Je me souviens d’une phrase importante que ma marraine m’a souvent répétée quand j’étais jeune :« Un bon snowboarder et un snowboarder vivant »

Ça t’as plutôt bien réussi !

Oui, si tu regardes ma carrière, je me suis rarement blessé par rapport à la prise de risque à laquelle je me suis exposé et je n’ai jamais été out pour longtemps. Peut-être parce que je m’engage à fond seulement dans les moments ou les conditions sont réunies. 

Est-ce que tu es un athlète Victor?

Ça dépend des moments ! À la base, pas du tout mais j’ai toujours aimé le sport. À Villard (le lycée sport étude) par exemple j’étais un peu le vilain petit canard, je n’aimais pas faire de la muscu ! Mais par contre, pas de problème pour aller faire du vélo dans la nature, de la rando. Mais j’ai quand même appris à faire du renforcement musculaire, des étirements, il y a des chose qui sont restées. Maintenant, avec l’âge, si je veux continuer à faire du snowboard toute ma vie, j’ai conscience qu’il faut que je m’entretienne ! 

Tu n’es pas non plus du genre à enchaîner soirées et sessions BC dans la foulée ?

Quand tu fais du backountry, tu t’aperçois vite que ça n’est pas très compatible avec l’enchaînement des grosses soirées, il faut un minimum de caisse. Tu ne vas pas marcher tous les jours pendant des heures, empiler des blocs et sauter derrière si t’es en lendemain de soirée ou si tu fumes des bédos. En hiver, on ne sortait presque pas, à part pour un évent genre un fois par mois ou vers le printemps. Là on aimait faire la fête notamment avec le À Branler crew. Sur les évents, on s’est régalé mais sur des périodes courtes ! On ne serrait pas la visse non plus, c’était assez naturel. On a eu de bons team managers comme Damien Giraud chez Rip Curl et Alban Jehlen chez Salomon, qui nous ont bien orientés, encadrés. 

Après Absinthe, tu-as rejoint le crew de Transworld Snowboarding, un média US mythique dans le milieu ! 

Transworld nous a demandé à VDLR, Arthur Longo et moi si on est chaud de participer à leur projet Origins. Tu m’étonnes ! Et  on a enchaîné avec cette boite encore plus renommée, toujours en parallèle avec Almo film. On a tout filmer en Europe avec le crew des potes.

Tu as ressenti des différences majeures avec la façon de faire US ? 

On a réalisé qu’on était assez hard core quand le crew TWS a débarqué en France. S’il faut se mettre deux heures de marche pour shaper, puis rentrer et se les remettre le lendemain pour rider, on le fait sans se poser de questions, c’est comme ça. Les ricains vont directement au spot en skidoo, ils sortent les petites bières. Le photograhe Andy Wright nous avait dit : « les gars vous êtes de vrais malades ! ». On se marrait en voyant cette légende de la photo en chier comme pas possible. On lui a fait empiler des blocs à l’infini, il a d’ailleurs fini par nous surnommer le « One more block crew ! » Ça a été notre nom pendant un moment !

Quel a été ton plus gros challenge quand tu filmais au US  pour Arcadia et Insight ?

Le plus chaud pour moi ça a été la gestion de la motoneige. Je me suis retrouver en Utah avec Björn Leines dans taquet de poudre. Conduire ces engins dans un mètre de poudre, c’est vraiment chaud et Il y a tout le temps des problèmes mécaniques. Heureusement qu’ils ont pris le temps de me coacher, j’étais vraiment dépendant des autres. Au début c’est plus fatigant de conduire que de rider. Après 2H30 de conduite et 30 plantages, j’arrivais en haut des spots déjà cuit. 

Photo @davidtchag

L’ENVOL DE L’ENTREPRENEUR

Tu t’es fait une place de choix sur la scène, solliciter par les plus grosses boites de prod, pourquoi tu as basculé sur une nouvelle orientation ?

Je sentais que les vidéos s’essoufflaient un peu et l’ambiance pareil. Je me suis retrouvé seul avec un filmeur et un photographe pour Arcadia, il y avait beaucoup moins d’esprit de crew et pour moi le snowboard est fait pour être partagé. Les conditions étaient peu plus compliquées. J’avais enchaîné beaucoup de trips de marques et loupé des shootings, j’étais un peu blessé. Au final, même si ma dernière part avec TWS est correcte, j’ai pas réussi à l’amener au niveau où je voulais.

Comment as-tu fait pour rebondir du coup ?

Le snowboard m’a permis de voyager énormément, de rencontrer des gens. Ça m’a rendu accro à l’aventure. On avait commencé à faire de trips un peu plus insolites et galères comme au Kazakhstan avec Almo, en Turquie avec Niels Shack et Sparrow Knox, en Israël avec Transworld, j’y ai pris goût. Après 8 vidéo parts, j’ai décidé de me lancer mon concept de snowboard aventure ! Mais  en parallèle, j’ai continué à shooter avec Almo pour SHAKA et avec les Pirates pour DRIVEN,

Comment as-tu réussi à mettre ça en place ?

Mes années en école de commerce m’ont donné de bonnes cartes pour bien présenter mes projets mais c’est aussi dans mon éducation. Si tu as envie de faire quelque chose, défends ton projet, bouge ton cul.  Avec l’aide d’Almo et de mes sponsors, j’ai réunis les budgets les cameramans et les aventuriers pour aller découvrir de nouveaux spots, de nouvelles façons d’aller sur des montagnes et j’ai monté « Trip Roulette». Le numéro uno en 2018, on s’en souviendra : un trip en Corse avec la traversée en voilier. 

Tu es aussi parti sur autre projet avec DVD 

(DavietVictorDigital), c’est quoi l’idée derrière ?

Avec DVD, je souhaite montrer ma vision artistique et mon niveau technique avec de courtes vidéos sur le net.  L’objectif est de faire des collaborations avec des artistes, de se focaliser sur une idée et d’aller au bout du concept. Ça m’a permis de me lancer dans la réalisation de projets spécifiques qui demandent de la recherche, de la planification et de l’organisation. C’est comme ça que je me suis penché sur les détails techniques des déplacements de la lune pour les faire coïncider avec un projet de photo artistique. C’est une liberté de faire exactement ce que j’ai en tête, comme par exemple une vidéo avec seulement des grabs, du carving.

En quoi les études t’ont aidé  dans le snowboard?

Pendant toutes mes années de snowboard je n’ai jamais arrêté mes études jusqu’à mes 29 ans. C’est peut être ça qui a fait que je suis resté aussi passionné, je n’avais pas de pression et je savais que j’avais une porte de sortie avec un vrai job. Tu vois là, on est en plein été et il y a 3 jours, ça m’a pété, j’ai mis ma board dans la caisse et je suis allé me mettre la session tout seul au Deuz. Pas parce que j’ai besoin de m’entraîner, ou de créer du contenu, juste parce que je kiffe trop ça.

Parlons d’un autre projet, les Safety Shred Days, comment t’es venue l’idée ?

Après de nombreuses années à traîner dans le BC et dans les stations sur cette planète j’ai été victime d’avalanche (2 fois) et j’ai aussi secouru des avalanchés. Des expériences traumatisantes que je ne souhaite à personne. Et je me suis rendu compte à quel point, nous, riders, manquions de connaissances et de savoir-faire pour gérer aussi bien les risques que les secours en avalanche. Je me suis mis en tête de trouver comment me former et devant le manque de possibilité adaptés aux riders, je me suis dit que j’allais combler ce manque. Je ressens une certaine responsabilité car mon job s’est de rider dans le BC, de promouvoir cette approche avec des belles images de poudreuse mais aussi de montrer le bon exemple et de sensibiliser les riders à se former. Peu de temps après je suis allé voir la station avec qui j’étais le plus proche, motivé mes sponsors, les riders et le projet était lancé ! En janvier 2018 on a fait la première des SSD. Nous en sommes à la 5 ème édition en France, troisième en Suisse et une au Pakistan.Et aux vues du succès de l’évent et des bons moments, ce n’est pas prêt de s’arrêter. 

Comment tu t’es retrouvé à faire ça au Pakistan ?

Grace au master Mr Pica Herry, il est le fondateur de l’association Zom Connection qui collecte des habits d’hiver et du matos dans les Alpes pour les distribuer là-bas. Une fois sur place, ils promeuvent aussi les activités hivernales et mettent en place de cours, des évents avec des ambassadeurs. Dans ce cadre-là, nous avons pu intégrer un Safety Shred Days! L’asso a aidé à l’organisation de la compétition internationale annuelle de snowboard au Pakistan avec un slalom géant et un parallèle.  J’ai pu y prendre part et je suis officiellement l’homme le plus rapide du pays (Rires) ! 

L’envie de partager autour du snowboard est centrale pour toi maintenant ?

Ce voyage a vraiment été une expérience intense et différente. On a eu un super connexion avec les petits locaux, je me suis lié avec un débutant mais qui était tellement à fond qu’il a fini par gagner le slalom. C’est mon meilleur souvenir de snowboard ! On est aussi parti avec des locaux pour leur faire faire leur premier trip BC au fin fond de leur pays, partager des virages poudre au milieu de nul part, dormir dans une mosquée, jouer ensemble au UNO, c’était complètement fou. Il y a plein de pays dans le monde où on ne s’entend pas niveau politique, religieux mais glisser sur la neige avec une planche efface toutes les barrières, ça met tout le monde d’accord et ça permet de devenir les meilleurs potes du monde.

Comment t’es tu retrouvé impliqué dans un transfert de réfugiés afghans?

Justement tout a commencé lors de ce même voyage au Pakistan durant lequel j’ai rencontré l’équipe de Afghane officielle de snowboard sur la compétition. Un groupe de jeunes super motivés et plein d’espoir pour progresser qui m’expliquaient qu’ils s’entrainaient sans stations l’hiver, sur les dunes de sables l’été et qu’ils n’avaient que 20 snowboards dans tout le pays. Après avoir passé la semaine ensemble, nous nous sommes trop bien entendus et nous avions prévu que je vienne leur rendre visite l’hiver d’après en Afghanistan pour rider avec eux et documenter leur belle histoire. Quelques mois se sont passés et en Août 2021 suite à l’arrivée des talibans au pouvoir, ils m’ont contacté pour me demander de l’aide en urgence. De l’aide urgence car les talibans les ont menacés de mort. Pourquoi ? Pour avoir fait du snowboard! Une injustice qui m’a beaucoup touchée et à partir de ce moment, j’ai véritablement remué ciel et terre pour les aider. Avec Jérôme Tanon et Laurent Pordié nous avons rapidement créé l’association Snowboarders Of Solidarity pour leur venir en aide et de fil en aiguille et de contact en contact ça a marché ! Après plus d’un an et demi d’efforts nous avons réussi à faire exfiltrer et donc sauver ces 15 jeunes riders hommes et femmes agés de 18 à 25 ans. Ils ont du tout quitter : famille, amis, diplômes et le tout sans argent à cause de leur pratique du snowboard. D’ailleurs sept d’entre eux sont arrivés à Annecy récemment. Et ce sont désormais nos nouveaux potes! Ils essaient de s’intégrer donc n’hésitez pas à les amener rider si vous le souhaitez car ils seront heureux et motivés de partager quelques turns avec vous cet hiver.

C’est vraiment l’histoire la plus folle et la plus intense de ma vie. Et cette expérience et cette réussite, je les dois encore une fois grâce au snowboard. 

La station d’Avoriaz supporte Victor (dans tous les sens du terme). Photo @davidtchag

L’AVENIR

Comment tu vois la suite de ta carrière ?

J’ai 32 ans, je suis toujours autant passionné et je vis toujours de ma passion ! J’essaye de me renouveler au maximum avec mes projets personnels. Ça me donne un nouvel élan. J’ai envie de faire de chose de plus en plus ouf qui vont demander de plus en plus d’efforts et de budget  aussi ! C’est ultra motivant et ça me pousse aussi bien niveau créatif, artistique, technique et humain. 

Quel avenir tu vois pour la prochaine génération ? 

Parfois je me dis que la nouvelle génération n’aura pas la même chance que nous avons eu nous avec Harakiri par exemple. Ce serait bien que quelqu’un leur offre une belle opportunité de se lancer. Perso, je suis trop occupé ! Je trouve qu’ils devraient se secouer un peu ! Mais c’est dure, il faut être ultra pro pour tirer son épingle du jeu. Il n’y a plus que le niveau qui parle, maintenant il faut être agent, community manager, producteur, filmeur, monteur, organisateur de voyage, architecte et d’être talentueux en snowboard. Pour moi ce n’est pas très légitime de demander ça aux riders, mais les marques se sont habitués à ça. Le problème c’est que ça prend énormément de temps et c’est au détriment du temps de ride. 

Tu as suivi le pétition pour sauver le snowboard français ? Ça t’inspire quoi ?

Le snowboard français est clairement en péril, on le sait depuis des années. Pour qu’il perdure, il doit être enseigner par des personnes passionnées et techniquement compétentes. Quand on regarde l’état du snowboard dans les pays où c’est le cas, la situation est vraiment différente de chez nous. Je pense qu’on devrait se poser les bonnes questions sur notre fonctionnement. C’est un débat politique, les gens aux commandes bloquent pour des raisons de business, ils ne se préoccupent pas du tout du futur du snowboard. Tout ça parce que les skieurs ont peur de lâcher le snowboard, si c’est aussi ridicule à leur yeux, qu’ils le lâchent et on en fera quelque chose. Peut-être que sera mal organisé au début mais ça s’autorégulera et au moins se sera du snowboard fait par des snowboarders pour les snowboarders !

Remerciements : 

Merci le snowboard pour ce qu’il m’a apporté et ce qu’il m’apporte. 

Merci à ma famille, mes potes, ma copine et toutes les personnes qui m’ont aidé. 

Et grand merci à mes sponsors sans qui rien ne serai possible. Salomon Snowboards, SPY, The Roster, Mammut, Addicted Shop, PAG, Avoriaz